Portrait de Laetitia, 21 ans et étudiante-chercheuse sur la cardiomyopathie dilatée
À l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science du 11 février 2023 organisée par l’UNESCO, nous présentons les travaux de recherche de Laetitia Rialland, jeune doctorante en génétique moléculaire au sein de l’UMRS 1166 / IHU ICAN (Hôpital Pitié-Salpêtrière).
À 21 ans, Laetitia réalise actuellement un projet de thèse sur la compréhension des causes génétiques des cardiomyopathies dilatées humaines (1ère indication de greffe cardiaque en France et dans le monde). Elle est notamment lauréate de l’École de l’Inserm Liliane Bettencourt.
2018-2022 : une arrivée précoce dans la recherche scientifique
Très jeune, Laetitia Rialland développe un intérêt pour la médecine et les métiers tournés vers l’humain et la compréhension du vivant, avec une curiosité pour la biologie. Des études de médecine se sont donc révélées comme un choix évident, et elle rejoint la Faculté de Médecine de Nantes en 2018.
Sa rencontre avec le milieu de la recherche a lieu en 2e année de médecine, lorsque qu’elle intègre l’École de l’Inserm Liliane Bettencourt en 2020. Ce double cursus lui permet de suivre une formation précoce à la recherche, avec la réalisation d’un Master 2 au cours duquel elle effectue un stage de 6 mois (de janvier à juillet 2022) au sein de l’Hôpital Universitaire de la Pitié Salpêtrière, dans l’Unité Fonctionnelle de Cardiogénétique et Myogénétique Moléculaire et Cellulaire de Pascale Richard (MD, PhD). Cette immersion dans le milieu scientifique confirme sa passion pour la science.
Laetitia : « L’analyse des résultats est souvent le moment le plus excitant, où on découvre l’aboutissement de semaines, voire de mois de travail ! Il est générateur de nombreuses nouvelles questions et pistes à explorer. Cela peut d’ailleurs être frustrant de ne devoir se concentrer que sur certaines pistes, faute de temps. J’apprécie aussi la multidisciplinarité, être à l’interface de plusieurs disciplines passionnantes : génétique, biologie cardiovasculaire, biologie moléculaire, bio-informatique… »
« L’investissement demandé est important : certaines manipulations peuvent durer des dizaines d’heure, plusieurs jours de suite. Ce rythme intense demande une grande concentration, mais l’impatience de découvrir les fruits de son travail renforce la motivation. Il faut savoir être patient face aux délais d’attente incompressibles et mettre à profit ce temps pour anticiper les étapes futures et formuler les hypothèses nouvelles. »
2022-2025 : un projet de thèse autour des cardiomyopathies
Depuis octobre 2022, Laetitia Rialland choisit de poursuivre dans cette voie passionnante en réalisant une thèse intitulée « Analyse transcriptionnelle des causes génétiques de cardiomyopathies dilatées humaines » au sein de l’équipe 1 de l’UMRS 1166 (IHU ICAN).
Son projet de recherche, appelé projet Calorr, est basé autour de la compréhension des cardiomyopathies, qui sont des maladies affectant la structure et la fonction du muscle cardiaque. Elles débutent le plus souvent chez l’adolescent ou l’adulte jeune, et sont la 1ère indication de greffe cardiaque (71% des greffes chez les patients de moins de 40 ans).
Laetitia Rialland étudie une stratégie innovante de mRNA-seq par séquençage de 3ème génération (Long Read). L’objectif est de mieux comprendre les altérations d’épissage responsables de cardiomyopathies, afin d’envisager ensuite la définition d’un nouveau panel diagnostic par séquençage de l’ARNm qui améliorerait le rendement diagnostique.
Laetitia : « Grâce à l’utilisation de cette technologie, le projet Calorr représente une réelle opportunité d’améliorer le diagnostic moléculaire, nécessaire à la bonne prise en charge et au traitement des malades. Il est important de comprendre que, pour traiter une maladie, il faut la comprendre et connaitre son origine.
Mon quotidien ? Aucune journée ne se ressemble ! Je dirai que :
- 1/3 de mon temps de travail est consacré à des manipulations « à la paillasse »,
- 1/3 à la recherche bibliographique avec réalisation d’un état de l’art,
- Et 1/3 à l’analyse des résultats, à la mise en place des protocoles, aux formations, réunions…
Cette répartition du temps va évoluer au fur et à mesure de ma thèse, l’analyse des résultats prenant une part de plus en plus importante. La difficulté finale sera de différencier les variants qui causent la maladie des variants bénins. C’est un gros travail d’analyse et de comparaison des données, qui va s’étaler sur mes 3 années de doctorat à venir. »
Différents acteurs sont impliqués dans l’avancée du projet, notamment :
- Eric Villard (Directeur de thèse) et Phillipe Charron (Responsable d’équipe, UMRS 1166 / IHU ICAN),
- Pascale Richard pour la partie sur le diagnostic établie (Unité Fonctionnelle de Cardiogénétique et Myogénétique Moléculaire et Cellulaire), avec qui Laetitia continue également de travailler sur son projet de recherche de Master 2,
- L’équipe de l’UMRS 1166,
- La Plateforme Post-génomique de la Pitié-Salpêtrière (P3S) pour le séquençage,
- La plateforme ICAN I/O pour l’analyse bio-informatique,
- La société Oxford Nanopore pour l’utilisation de la technologie de séquençage Long Read.
Après 2025 : quel avenir dans la recherche ?
Laetitia : « La génétique des cardiomyopathies est une discipline qui a beaucoup évolué :
- En 2001, le 1er séquençage du génome humain avait lieu après 15 années de travail impliquant des centaines de chercheurs.
- En 2022, le nouveau record de séquençage du génome humain est établi à 7 heures et 18 minutes.
Même si ce record reste exceptionnel, cela montre que la recherche scientifique améliore constamment ses capacités technologiques. Cela a permis, dans les dernières décennies de découvrir un grand nombre de gènes impliqués dans les cardiomyopathies et d’améliorer considérablement la prise en charge de ces patients. Dans les prochaines années, on pourra générer de plus en plus de données de séquençage, mais l’enjeu sera de réussir à comprendre et analyser toutes ces données. »
Après l’obtention de sa thèse, Laetitia souhaite reprendre ses études de médecine en 4e année et continuer en parallèle la recherche avec l’Ecole de l’Inserm Liliane Bettencourt. Elle aspire à une carrière hospitalo-universitaire afin de partager son temps entre l’activité de recherche et le contact direct avec les patients.
« Ce parcours passionnant demande beaucoup de travail, d’investissement et de motivation ! J’encourage toutes les femmes et les filles intéressées par la recherche scientifique à se lancer. Je n’ai rencontré aucun frein à être une femme dans ce milieu, et nous sommes même majoritairement représentées dans certaines disciplines. »